Réflexions sur l’évolution du métier de directeur de sûreté en entreprise

19/11/2020 - 6 min. de lecture

Réflexions sur l’évolution du métier de directeur de sûreté en entreprise  - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Marc Carré est diplomé de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr. Il a été, de 2008 à 2019, Directeur de sécurité et Officier de sécurité défense du Groupe Altran et est aujourd'hui Consultant indépendant en sécurité d'entreprise et intelligence économique.

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Introduction

Le chef d’entreprise, souvent seul, est soucieux, en priorité, de la pérennité de son entreprise et il oublie, parfois, la protection de son patrimoine. Tout va bien quand la vie de l’entreprise n’est pas perturbée par un traumatisme, mais le réveil est toujours brutal en cas d’évènement grave imprévisible.

Cette protection de l’entreprise couvre deux volets majeurs clairement identifiés mais souvent confondus : la sûreté et la sécurité. Proches par la consonance phonétique, ces deux concepts différents dans leur historique, leur encadrement légal et les modalités de mise en œuvre. Toutefois, ils restent liés dans la dynamique de l’entreprise.

Comme le monde du business est en perpétuelle mutation, l’entreprise doit s’adapter à son environnement immaîtrisable. Et alors, comment le métier de directeur de le sûreté évolue ?

À la composante historique de la protection, se limitant à la sécurité incendie et la protection des bâtiments, se greffent, progressivement depuis 20 ans, d’autres composantes pouvant permettre de vivre en toute sérénité au sein de l’entreprise, à savoir : la protection des personnes, la sécurité de l’information, l’intelligence économique et la gestion de crise.  

 

Sécurité et sûreté

Avant de prolonger notre discussion, essayons de préciser la sûreté et la sécurité qui, pour la majorité des dirigeants, restent hermétiques et abscons.

Les piliers historiques de la sécurité sont, principalement, la lutte contre les incendies et la lutte contre les entrées indésirables. Il a fallu attendre les grands incendies dans l’histoire et la médiatisation de certains incendies tragiques (Ambassade d’Autriche en 1810 en présence de l’Empereur, bazar de la Charité en 1897 et  le Dancing 5-7 en 1970) pour que la classe politique décide de changements profonds pour éviter de nouvelles catastrophes ; la création du bataillon de sapeurs-pompiers militaires de Paris en 1810 est le plus significatif. La sécurité incendie s’est développée autour des techniques de construction des bâtiments, les modes d’évacuation des bâtiments et l’organisation des moyens de secours. La sécurité incendie est strictement normée et encadrée grâce à divers organismes et réglementations. De plus, tout incendie permet de faire évoluer régulièrement ces normes, si besoin.

Le deuxième pilier est la protection des bâtiments face aux intrusions. Ce souci de se protéger est très ancien et a longtemps combiné la serrure, vraiment valorisée vers le 18 eme siècle, et les défenses passives (grilles, douves, fossés, etc.). Pour élargir le cadre de la sécurité, préoccupation majeure en raison du Code du travail en particulier, il est louable d’ajouter des thèmes sensibles liés aux risques techniques, physiques, chimiques et environnementaux.

Alors comment la sûreté se caractérise-t-elle ? C’est l’ensemble des moyens dédiés à la prévention des actes de malveillance et elle doit lutter contre des agissements ayant pour objectif un profit, financier (vol, fraude, agression) et/ou psychique (incivilités, malveillance, terrorisme). Il s’agit donc de lutter contre les actions, spontanées ou réfléchies, ayant l’intention de nuire.

Le domaine, englobant la sûreté et la sécurité, pourrait être fortement élargi et globalisé, par une approche systémique, en y rapprochant les secteurs suivants : protection incendie, protection des accès, sécurité au travail, accompagnement des salariés à l’étranger, incivilités, protection de l’information ;  cette liste serait plus exhaustive en ajoutant l’accompagnement au recrutement, la prise en compte du fait religieux, la sécurisation du business, la respect des exigences des directives nationales sur la protection du secret de la défense nationale, l’ouverture à l’intelligence économique et surtout la gestion de crise.

Ainsi, l’expression "protection du patrimoine de l’entreprise" répondrait alors beaucoup mieux à la problématique de la sécurisation de l’entreprise.

 

Le directeur de sûreté 

Conservons la dénomination "directeur de la sureté" pour ne pas brouiller les esprits mais cette dénomination ne semble plus adaptée en 2020.

Par rapport à la liste des secteurs concernés ci-dessus, tout ce qui permet d’apporter la sérénité au PDG, à savoir la sécurité des salariés et la pérennité du business, dans le temps et l’espace, pourrait entrer dans le giron du directeur de sûreté. Sachant qu’un big boss souhaite être tranquille pour manager son entreprise, il confiera plus ou moins de missions à son directeur de sûreté.

Donc le scope du directeur de sûreté est indéfini et demeure à géométrie variable selon la dynamique de l’entreprise. Deux autres critères sont à prendre en compte pour la délimitation de ce périmètre : ce sont la personnalité du big boss, l’ADN de l’entreprise, les enjeux commerciaux et, parfois, les préoccupations des administrateurs.

Aucune règle n’est figée, aucun modèle n'existe et rares sont les directeurs qui ont les mêmes prérogatives, les mêmes rattachements, les mêmes modes de fonctionnement. La création de ce poste vient plutôt de la sûreté stricto sensu car personne dans l’entreprise n’était compétent pour aborder ce domaine sensible et protéiforme. En effet, trop d’actions de sureté étaient réparties ou oubliées dans l’entreprise jusqu’à ce qu’un incident grave vienne, comme grain de sable, gripper les rouages de l’entreprise.

Les responsabilités confiées à ce directeur dépendent, aussi, de son profil, de ses qualités, ses compétences et son expérience. Les quatre qualités requises, par un PDG, pour ce directeur sont : l’adaptabilité, le discernement, l’art d’une pédagogie rassurante et, aussi, un esprit de synthèse avisé.

Nullement obligé d’être un expert de la sûreté et/ou de la sécurité en entreprise, il doit développer une approche "puzzle" dans ses travaux, c’est-à-dire qu’il doit trouver une place exacte pour tous les points abordés afin de construire un ensemble cohérent et compréhensible par tout le monde dans l’entreprise. L’approche globale est fortement recommandée pour appréhender ce "système de sécurité globale" intégrant toutes les composantes techniques, humaines et procédures, dans l’entreprise et dans son environnement.

Pour réussir au mieux, cette personne doit avoir une longue expérience au sein de l’entreprise et/ou dans une administration publique de la sécurité. Elle doit rapidement s’affirmer comme un pilier rassurant au sein de l’entreprise en contribuant, en particulier, à modifier cette image de marque, parfois écornée, de la sécurité, et contribuer à faire évoluer ce centre de coût en un centre de profit.

 

Conclusion

Pour conclure sur le métier du directeur de sûreté en entreprise, il faut mentionner que ce poste, hyper complexe et délicat, est souvent devenu obligatoire suite à un évènement grave ayant eu un impact majeur sur la vie de l’entreprise et son business.

Les exigences fixées pour le respect de la RGPD (gestion des données personnelles), les obligations légales de la sécurité des salariés sur place et à l’extérieur, les impératifs sur la lisibilité des modes de fonctionnement sécuritaires demandés par les assurances, les contraintes inhérentes aux informations circulant dans l’entreprise conduisent les instances dirigeantes en entreprise à s’intéresser de plus en plus à la protection leur patrimoine, surtout en cette période d’épidémie et d’un retour à la souveraineté nationale. Actuellement, le virus Covid modifie le fonctionnement de l’entreprise, avec la mise en place du télétravail et la fluctuation du monde économique, et il déstabilise les dirigeants qui, pour une grande partie, ont décidé la mise en place, dans l’urgence, d’une cellule interne de gestion de crise.

Le directeur de sûreté doit devenir un acteur majeur en entreprise travaillant aux côtés du PDG pour l’accompagner, en temps réel, afin de protéger le business, les salariés et les dirigeants. Sachant que la résolution d’un problème coûte toujours trop cher, ce directeur de sûreté sera, à même, d’agir au maximum en préventif au sein de l’entreprise et non plus seulement en "pompier".

Marc Carré

19/11/2020

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