Le RCEP : que penser d’un tel événement ?

27/11/2020 - 2 min. de lecture

Le RCEP : que penser d’un tel événement ? - Cercle K2

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Eric Fromant est Conseil en redéploiement stratégique & Expert en économie de fonctionnalité.

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L’accord signé le 15 novembre 2020, appelé Partenariat économique régional global (RCEP), et concernant 15 pays d’Asie et d’Océanie, est un événement important. Il concerne un tiers de la population et près de 30 % du commerce mondial. Il est un exemple emblématique de la régionalisation du monde que nous avons annoncé dans notre livre "Les clés du renouveau grâce à la crise", publié en septembre 2012.

Pour autant, il est un accord de libre-échange au sein d’un groupe extrêmement hétérogène, ce qui l’a conduit à un caractère à géométrie variable : si les droits de douane doivent être abaissés, le taux de baisse est variable selon les pays et selon les secteurs. De plus, certaines contraintes sont très fortes, comme le caractère illégal de la réutilisation de semences imposé par le Japon. C’est d’ailleurs au titre de la protection de son agriculture et de ses TPE-PME que l’Inde a refusé de se joindre à cet accord.

Ce partenariat exclut la protection de l’environnement, donc du climat, et toute forme de protection des employés. Enfin, il ne prévoit pas d'unification des normes. Nous savons bien que les normes sont des barrières non tarifaires très efficaces.

Chacun a essayé de tirer son épingle du jeu. La Chine veut centrer l’Extrême-Orient sur elle-même, l’Australie veut sécuriser le marché chinois pour ses matières premières, le Japon espère bien nourrir en partie son vieux rêve d’accès privilégié aux ressources de l’Asie du Sud-Est, etc. Mais ce type d’accord n’a rien à voir avec le projet d’Europe qu’a été la Communauté économique européenne, devenue Union européenne.

Et si l’UE veut réellement protéger ses intérêts, elle ne pourra que saisir cet accord comme justification profonde de décisions de "régionalisation européenne" en rendant plus difficile la pénétration de son marché par des produits venant de pays ne respectant ni l’environnement ni les personnes employées, et dont le protectionnisme est une habitude ancestrale derrière un discours libre-échangiste.

Dès lors, cette régionalisation provoquant le raccourcissement très fort des chaînes d’approvisionnement, il devient urgent, pour toute entreprise, quel que soit son secteur, de se tourner vers les modèles économiques modernes comme ceux qui composent l’économie circulaire, dont l’économie de fonctionnalité, sa boucle la plus courte, et pour cette raison la plus écologique et la plus rentable, l’impression 3D et 4D, l’économie collaborative, la gestion des données, les technologies de rupture.

Le raccourcissement très fort des chaînes d’approvisionnement est d’ailleurs ce que prévoit Klaus Schwab dans son dernier livre, "Covid-19 : la grande réinitialisation". La démondialisation lui semble inévitable et nous pouvons conclure que, si ceux qui ont fait la mondialisation n’en veulent plus, il est nécessaire à tous de s’adapter à la nouvelle époque. Cette époque nouvelle sera faite de boucles courtes et de circuits courts. L’adaptation passe nécessairement par l’abandon de la logique "accroissement des volumes => économies d’échelles => réduction des coûts" parce que générateur d’externalités environnementales et sociales, ainsi que de déséquilibres commerciaux et financiers entraînant des déséquilibres politiques dangereux. A contrario, cette adaptation passe par des modèles économiques privilégiant la valeur ajoutée sur les volumes, la localisation sur les marchés mondiaux. Il est à retenir que le Forum économique mondial a publié fin 2019 un article montrant que la solution de la problématique du développement était la même pour les pays développés et les pays émergents ou non encore développés : produire localement les produits et services nécessaires aux populations.

Puisse l’UE se concentrer fortement sur les urgences économiques qui touchent la population comme les entreprises sans y placer la moindre idéologie qui développe les divergences au lieu de résoudre les problèmes communs !

Eric Fromant

27/11/2020

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